jeudi 23 juin 2011

Mon périple tunisien en mai 2011


Il y a plusieurs mois, j'avais l'intention de me rendre en Tunisie, d'une part pour honorer l'invitation que m'avait faite M. Hamadi Mellouli, président de l'Association de Recherche et d'Etude sur la Mémoire de Sousse (AREMS), pour une présentation de mon ouvrage Sidi Brahim des neiges...sur les traces du 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens (MC Editions, Tunis, 2008) à la Biobliothèque régionale de Sousse. D'autre part, pour me rendre à la Ghriba de Djerba et rendre hommage à ce lieu saint que j'avais découvert en 2004 et qui m'avait inspiré pour mon second ouvrage paru l'année dernière, chez le même éditeur tunisien, intitulé La Ghriba, pèlerinage juif en terre d'Islam.

 Malgré l'anxiété de mon entourage et les propos alarmistes de certains médias sur la situation de la Tunisie, en pleine crise révolutionnaire depuis le 14 janvier 2011, j'ai quitté Metz pour Tunis le 18 mai où mon arrivée a coincidé avec la levée totale du couvre-feu... Effectivement la capitale montre un visage peu engageant, notamment sur l'artère principale Habib Bourguiba, ainsi qu'à certains endroits stratégiques, avec le déploiement de policiers et de militaires armés, des auto-mitrailleuses bien visibles et d'immenses rouleaux de barbelés...

















                                                     
                                                                                                             Lotfi Essid
J'ai passé plusieurs jours à Tunis, allant à la rencontre de quelques amis tunisois, pour flâner dans les rues animées et parcourir la belle médina où l'on se perd souvent dans le dédale de ses ruelles, mais où l'on découvre aussi à chaque fois de nouveaux passages et autres merveilles cachées dans cet espace envoûtant. Durant ces quelques jours, je n'ai rencontré aucune agressivité, verbale ou physique. Aucune insécurité non plus, même dans les endroits reculés et hors des sentiers battus, notamment dans la banlieue proche - l'Ariana - où j'étais hébergé chez mon ami éditeur Lotfi Essid. Chez lui, j'ai aussi partagé quelques moments agréables en compagnie de Rageh Daoud, compositeur de musique de films égytiens installé à Alexandrie, de passage à Tunis. La population est calme, les jeunes tunisois n'ont pas changé leurs habitudes et les plus âgés sont surtout préoccupés par les prochaines échéances politiques, d'abord fixées au 24 juillet puis repoussées au 16 octobre, qui détermineront leur avenir et un nouveau choix de société. La liberté de parole et d'expression est une réalité, tout ce qui rappelle l'ancien régime a disparu, laissant place à de nombreux slogans, dont le fameux "Dégage" visible partout. Cependant à l'approche de ces "élections libres", d'aucuns craignent la montée des partis islamistes, présentés comme les mieux organisés, et dénoncent le "souk politique" avec les nouveaux mouvements qui fleurissent chaque jour. Autre crainte, celle liée aux actions terroristes déjouées par les forces de l'ordre un peu partout sur le territoire tunisien. A ce sujet, le quotidien Le Temps, dans son édition du 19 mai, titre en première page "Le spectre du terrorisme en Tunisie : à qui profite-t-il ?". L'île de Djerba suscite aussi de nombreuses inquiétudes, en raison de sa proximité immédiate avec la Libye en guerre depuis plusieurs mois, et où ses habitants doivent faire face à une crise humanitaire sans pareil. Toutes ces situations ne sont pas sans épargner non plus le tourisme qui est frappé de plein fouet, malgré les nombreux efforts entrepris pour redonner confiance et l'envie de visiter le "pays du jasmin"...



1/à la (re) découverte de la Ghriba...





Dans un premier temps, je me rends à Djerba pour assiter au pèlerinage annuel de la Ghriba qui, cette année, sera réduit à deux jours, les vendredi 20 mai et le dimanche 22 mai. alors que les années précédentes les festivités étaient étalées sur près d'une semaine ! Je tenais absolument à venir cette année, déjà pour revoir cette synagogue qui attire de nombreux fidèles tous les ans, au mois de mai, et que je n'avais plus revue depuis 2004 lors de ma venue avec un groupe de pèlerins parisiens conduit par le docteur Gabriel Kabla. Mais aussi et surtout pour rendre hommage à ce lieu saint que j'avais découvert en tant que profane et qui m'avait ( peut-être ?) porté chance pour mon projet d'écriture qui a donné naissance à La Ghriba, pèlerinage juif en terre d'Islam, mon second livre paru l'année dernière....

Vendredi soir je rencontre M. Perez Trabelsi, président du Comité de la Ghriba, et son fils René, voyagiste parisien spécialisé pour les pèlerinages (Royal First Travel). Je lis dans leurs yeux leur déception quant aux mesures sécuritaires prises cette année. Conscient de la situation et pour affirmer sa solidarité, Perez Trabelsi déclare :"Afin de signaler notre respect aux martyrs de la Révolution, nous avons aussi décidé de supprimer la partie festive, en éliminant la musique et les chants pour ne retenir que le caractère religieux de cette manifestation". En soirée, après les prières, je suis invité à partager le repas de Chabatt en leur compagnie, leurs familles et amis. Chabbat Chalom !






Samedi, jour de repos, j'en profite pour me rendre à Er Rhiad, village situé non loin de la Ghriba, plus particulièrement dans le petit quartier juif dénommé Hara Sghira, où sous un soleil de plomb, je déambule dans les rues dont certaines sont balayées par un léger vent qui fait soulever le sable devant les portes des demeures blanches et bleues, et d'autres de couleur ocre. Je croise une paire de gamins, interrogatifs quant à ma présence, ainsi que plusieurs policiers en civil qui quadrillent le quartier. Je suis en effet le seul étranger dans ce lieu où les familles juives se considèrent comme les descendants des Cohanim et qui travaillent presque toutes à la Ghriba. Je passe devant une petite échoppe à l'enseigne "Bijouterie", un peu plus loin je découvre une boucherie et une boulangerie toutes deux désertées, avant de déboucher sur la place de l'Indépendance où toute vie semble s'être arrêtée...





















 






















Dimanche 22 mai, la Ghriba ouvre ses portes à 14 heures. Je suis impatient à l'idée de la revoir. Avec notre groupe d'une trentaine de personnes, conduit par René Trabelsi, nous franchissons d'abord un portique de sécurité avant de découvrir le lieu saint, "l'antichambre de Jérusalem" pour certains. Mais quel contraste par rapport à 2004 ! Aucun pavoisement ni accueil en musique, et en plus un ciel gris avec une pluie froide qui tombe, accentuant la tristesse qui se lie sur les visages...Mais une fois à l'intérieur, nous sommes tous émerveillés par la beauté des faïences émaillées, ainsi que par les ornements en bois précieux. Une atmosphère de plénitude se dégage de ces lieux bâtis après la destruction de Jérusalem en 586 avant J.-C. Nous nous déchaussons dans la première salle avant de pénétrer dans la seconde, endroit de dévotion où les fidèles allument des petites bougies et prient. Dans le fond de la salle, l'on aperçoit l'entrée d'une grotte censée provoquer, d'après plusieurs légendes, des miracles de bonheur, de fertilité et de santé. Là aussi, quel contraste par rapport aux années précédentes où une foule en liesse se pressait pour trouver une place dans cette synagogue ! Pauvre Ménara, seule dans la première salle près de quelques rabbins psalmodiant en hébreu et en araméen. Privée de sortie et de son imposant cortège pour la procession dans les rues de Hara Sghira ! Tristesse aussi dans le caravansérail situé en face de la synagogue, vide de tout occupant alors que par le passé cet endroit résonnait de joie par les chants et mélodies entonnés par les musiciens de Yacoub Bchiri ! Où sont les milliers de pèlerins venus faire leurs dévotions alors que cette année seule une petite centaine de participants a osé venir malgré les circonstances particulières ? L'ambiance est cependant empreinte de joie, mais surtout dans le recueillement et la prière. Pour ma part, je suis content d'être là et d'avoir pu accomplir mon souhait de rendre hommage, à ma manière, à cette Ghriba dont je me souviens encore des tristes évènements qui se sont produits le 7 avril 2002...ce lâche attentat qui a fait 21 victimes. Je quitte mon ami René et son père, qui arbore toujours sa tenue traditionnelle djerbienne (blousa et sarouel). Perez Trabelsi est convaincu que les gens reviendront l'année prochaine à la Ghriba, "certainement encore plus nombreux que les années précédentes...".




















































































2/ Déplacement à Sousse




Répondant à l'invitation de M. Hamadi Mellouli, président de l'association AREMS de Sousse (Association de Recherche et d'Etude sur la Mémoire de Sousse), je me rends le 27 mai 2011 dans cette belle ville côtière, au riche patrimoine culturel, pour participer à une présentation de mon ouvrage Sidi Brahim des neiges...sur les traces du 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens.




Je suis chaleureusement accueilli par les membres de cette association, notamment M. Abdallah El Fekih, et le professeur Adel Ben Youssef qui présente ce livre devant un parterre d'une cinquantaine de personnes à la Bibliothèque régionale.











A l'issue de cette présentation, je suis surpris de voir l'intérêt manifesté par les participants, notamment quelques jeunes étudiants, pour mon travail effectué et par sa mise à l'honneur des valeureux soldats du 4e RTT pour leur épopée héroïque à travers l'Europe. Parmi ces personnes, je cite la présence de M. Nejib El Abed, fils de feu Hamed El Abed, adjudant-chef à la 6e compagnie du 2e bataillon du 4e RTT, qui fut le premier soldat de l'Armée française à pénétrer courageusement sur le sol allemand, à Scheibenhardt, le 19 mars 1945. De retour dans son pays, le "héros de Scheibenhardt" a participé à la création de l'armée tunisienne après l'Indépendance en 1956. Il termina sa carrière avec le grade de commandant en 1964.




Heureux et satsifait à l'issue de ce périple, je quitte mes amis et la Tunisie, dans la perspective d'y revenir bientôt...